30.3.11





Son visage est rouge et il commence même à bleuir à certains endroits. Une barbe blanche entreprend de ronger ses joues tannées. Elle jaunit, à cause des gitanes qu'il s'enchaine à longueur de journée. Même le blanc de ses yeux est jaune, et ça lui donnerait presque un regard de marin, si l'ivresse ne lui faisait pas fermer les paupières la plupart du temps. Ses mains sont pleines de crevasses, le bout de ses doigts est recouvert de corne. Ses ongles sont noircis par la cendre et les remords.


Il empoigne le verre de whisky, qu’il renverse a la verticale au fond de sa gorge déjà imbibée de vapeurs d'alcool et de tabac. Il le repose sur la table poisseuse. La télé hurle une émission de talk show.
Il se lève, son énorme bedaine surplombée par un marcel dégueulasse. Les auréoles de ses aisselles se rejoignent en un papillon jaunâtre au milieu de son ventre. Une chaîne en or clinquant soutient un lourd crucifix, que l'on ne distingue plus qu'à peine, tant il est entremêlé dans les poils gris de son torse. Cela doit faire maintenant une semaine qu'il ne s'est pas lavé. Ses cheveux sont si sales qu'ils collent sur son crâne, formant des paquets informes de poils, plats et luisants. Il fait chaud, et des gouttes de sueur perlent sous ses aisselles quand il se lève pour étirer son corps fatigué.

Le temps s'étire sur des millénaires, chaque seconde s'éternise et semble durer une heure. La trotteuse de l'horloge est comme collée aux chiffres, le temps refuse d'avancer, comme un âne qui porterait trop lourd.

Toute la maison chlingue le gaz carbonique et la vieille pisse. Il n'ouvre plus les fenêtres, ça fait entrer les mouches. Le silence pesant n'est entrecoupé que par le bruit de l'horloge. Il se dirige en trainant des pieds vers la commode de l'entrée, et se regarde pendant 10 bonnes secondes dans le miroir crasseux. Il voudrait se parler, s'engueuler, se foutre une bonne trempe, mais rien ne sort. Pas un mot.

Pourtant, il lui en a déclamés à elle, des alexandrins, des mots lourds de sens. Il a parcouru mille fois de ses yeux son dos, ses cheveux, ses bras. Il connaissait son corps par coeur, et à chaque étreinte pourtant, il découvrait un nouveau grain de beauté, une nouvelle cicatrice, un nouveau souvenir. Il se rappelle encore sa douceur, là, sous le renflement de ses seins. Il dormait le nez enfoui dans sa chevelure. Quand elle était encore là. A cette époque, ses yeux étaient encore bleus, et toujours ouverts, pour ne perdre une miette d'elle.
Mais un jour, sans se retourner, sans un sourire, en lui donnant un dernier baiser froid comme le givre, elle s'en est allée.

Depuis, il attend. Et le temps s'étire sur des millénaires, chaque seconde s'éternise et semble durer une heure.

Il retourne s’asseoir sur son fauteuil élimé, face à la porte. Au cas où quelqu'un aurait l'idée d'entrer.

3 commentaires:

  1. Je savais que j'aurais pas du passer par ici ce soir....je le savais. Voilà, c'est malin, je pleure.
    Que c'est triste, mais que c'est beau.

    RépondreSupprimer
  2. c'est la photo qui t'a inspirée, ou bien?

    en tout cas, vachement bien écrit. et c'est un cow boy qui te le dit! (rapport à la vache, bien sûr..).

    raconte encore !

    RépondreSupprimer
  3. moi je crois que la photo a été prise pour ton texte.

    si si, je crois.

    j'suis sûr, même.

    RépondreSupprimer