12.3.11

La beauté par erreur, c'est le dernier stade de l'histoire de la beauté.




Ma mère a dit un jour qu’ « Il y a des fois, trouver de la poésie dans le quotidien, ça relève de la gageure. » J’étais, depuis ce fameux jour de braderie dans le Pas-de-Calais, (où nous avons rencontré dans l’ordre une naine sans bras vendant de la layette, un petit garçon avec un pansement sur l’œil qui voulait un rat, une, deux, trois mères de moins de 15 ans, quatre, cinq, six dents manquantes, et un marsupilami géant), assez d’accord avec elle.
Mais je me suis rendue compte hier que tout dépendait finalement de la manière de voir les choses.

Si je vous parle d’un film avec des mecs bourrés déguisés en femme, qui tirent sur des oiseaux, qui menacent leur fils avec un couteau, qui vomissent dans des verres à bière, qui pissent assis sur leur chaise, qui matent la culotte des assistantes sociales, qui font tomber des bébés et qui chient la porte ouverte; y’a de grandes chances que ça soit difficile de trouver de la poésie là-dedans.

Et pourtant, Felix Van Groeningen, un belge flamand, a réussi cette prouesse. La Merditude des choses est un peu comme son titre. Les mots sont pas jolis mais tous ensemble, ils forment un titre touchant.
Je crois que c’est le mot, touchant. Si, de loin, on ne voit que la misère de ce patelin flamand nommé Reeteverdegem (traduit Trouduc les Oyes en français), quand on s’en approche, on voit la tristesse du père qu‘il noie dans la bière, l’amour de l’oncle pour son neveu (et ce même si il baise tout ce qui bouge dans la chambre qu’il partage avec lui), les efforts de la grand-mère pour que tout ce bordel ressemble à une famille.
Et au milieu de tout ça, il y a Gunther, le fils. Enfant, il observe ce cirque du haut de son mètre soixante et de sa coupe en mulet. Plus tard, il écrit ce qu’il a vu, en lui rendant un hommage d’une grâce folle, tirant des passages comme « Comme ça, vite fait, contre le mur du bistrot Las Vegas, avec brusquerie et nonchalance, mon père mit fin à sa vie de célibataire. 42 semaines plus tard, c’est aussi au bistrot Las Vegas qu’il se trouvait quand il apprit qu’il avait eu un fils. », ou « Mon père était un buveur social, la compétition ne l’intéressait pas.»



Le passage le plus touchant reste sans doute celui-ci:
« on pardonne beaucoup à un train. Parce que c’est un train. Contrairement à un voiture, il passe par l’arrière du monde. Les maisons classées du quartier de la gare s’avèrent être des taudis. Mais ces ruines ne se voient que depuis la voie ferrée. Aucun véhicule ne vous donne une vue plus sincère du pays que le train. Contemplez nos jardinets, nos pigeonniers, nos cabanes. Admirez nos sous vêtements qui sèchent dehors. Contemplez nos nains de jardin, nos céleris, nos poireaux, nos vérandas et nos barbecues maçonnés. Regardez comme les vaches font place aux monstres de briques, construits par des gens sans gout avec la complicité des banques et amochant le paysage flamand.
Prenez le train ,et regardez comme, immobiles le long de la voie, le marbre et le granit s’ennuient sous une couche de poussière, offrant une dernière demeure à nos proches. »

J’ai appris par la suite que le film était tiré d’un roman de Dimitri Verhulst, malheureusement pas encore traduit en français.

(le titre est extrait du roman de Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être )

2 commentaires:

  1. Tu permets que je dise aux gens de venir lire ça? C'est bien bien. Le film ( on le verra ce soir si on le trouve) et ta critique.

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