9.2.11

Et maintenant, vas-tu te taire?




Il est 22h. La nuit s'est déjà levée depuis plusieurs heures sur le ciel bruxellois, mais petit à petit les trottoirs se vident de leurs belles de jour, pour se noircir peu à peu de leurs oiseaux de nuit. La fraîcheur du soir réveille les pensées, et tout semble plus grand, plus froid, plus fort.
En marchant vers la porte de Namur, fuyant le tumulte de la chaussée d'Ixelles et empruntant les ruelles parallèles, je jurerais que mes pas résonnent loin, haut et fort, allant cogner les voitures fuyantes de la Toison d'Or, se diffusant en cercles jusqu'au palais de justice.
J'emprunte finalement la chaussée d'Ixelles, bouillonnante, fébrile, pressée. J'arrive à la station de métro, et prend l'escalator hurlant. Quelques secondes plus tard, un nouveau rugissement, celui de la rame métallique, me sort de mes pensées. Tirant fort sur la poignée, je m'engouffre dans cette cage temporaire perçant avec grand fracas le sous sol bruxellois. Porte de Hal, je sors du tube et remonte au fil des marches vers la surface de la Terre. Je tourne à gauche rue Haute, longe les Chevaliers et entre dans les Marolles.

Ça sent la révolte ici. La révolte froide, endormie. Entre les maisons de briques, dans les rues étroites et tortueuses, on croirait voir des communards distribuer les tracts à la criée. Le palais de justice jette sans pitié son ombre sur les Marolles, entretenant le feu du peuple, empêchant la pluie d'en éteindre la flamme.
Oh, des orateurs, des barricades, des poings levés, cela fait longtemps que l'on en voit plus. Mais discrètement, le quartier opère sa résistance. De la librairie communiste au vendeur sous cape de films érotiques rue des Renards, la riposte s'organise.

Les murs des Marolles hurlent au réveil des peuples.
Ici, "Dieu n'existe pas, et c'est bien là sa seule excuse", là un gigantesque visage de femme peint sur les briques rouges échauffe nos consciences de ses yeux brûlants. Là bas, le béton nous ordonne de "réinventer la lutte".


Je descend la rue de la Plume, et arrive rue de l'Hectolitre. Une silhouette sombre s'approche de moi et me parle. Je ne l'entend pas. Je continue alors ma route sur la place du jeu de balle, et pousse la lourde porte d'un immeuble. Alors que dans mes oreilles, le morceau se termine, et que la porte se referme, j'entends "J'ai pas d'argent!". Seule dans le hall aux murs nus peints en blanc, je me relève de la claque que viennent de m'asséner les Marolles.

Et maintenant, vas-tu te taire?




La vidéo est une chanson des Têtes Raides, reprenant un superbe poème de Kateb Yacine

2 commentaires:

  1. NOOOOON! Manquerait plus que ça que tu te taises!
    On n'apprend rien de personne, mais si au moins je peux te (vous) convaincre de ne JAMAIS la boucler, ça sera déjà pas mal.

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  2. epoustouflant!

    et,pouce! tout flanc!

    epoustouflante!

    loulou la rouge, épatante!

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