19.12.10

Valse avec Bachir, twist avec Fats

"Valse avec Bachir" est un film d'animation Israélo-franco-allemand (si c'est pas beau ça) d'Ari Folman, sorti en 2008. César et Golden Globe du meilleur film étranger en 2009. Pour moi, un chef d'œuvre, tant au niveau esthétique que sur le fond. On a rarement traité de la guerre avec cet œil, et on a encore plus rarement traité de Sabra et Chatila. Antimilitariste sans utopie, psychanalytique sans mélodrame, tout en nuances, il vous abat et vous réveille. Vous fout une jolie baigne pour vous relever ensuite.

Il y a notamment cette scène, où un soldat danse une valse au milieu de balles, sur fond de Chopin, valse op. 64 n°2 en ut dièse mineur.

"Je ne sais pas si ca a duré une éternité ou une minute, mais je revois Frenkel au carrefour, avec des nuées de balles qui sifflent autour de lui. Et au lieu de traverser la rue au pas de charge, il se met à danser, comme un possédé. Il leur montre qu’il n’a pas l’intention de quitter la rue, qu’il entend bien y rester. Pour toujours.

Il veut danser une valse entre les balles, avec des portraits géants de Bachir autour de lui; alors qu’au même moment, à deux cents mètres de là, les fidèles de Bachir préparent la vengeance. Préparent le massacre dans les camps de Sabra et Chatila."




Et perso, je trouve la musique vachement bien utilisée.

Sinon, vous pouvez aussi twister sur Fats Domino, c'est pas mal libérateur dans son genre, et l'espace de trois minutes trente on fait un bond dans l'histoire un peu. C'est kitsch, y'a du costard blanc, de la broche qui brille, et on fait même tourner les serviettes.


16.12.10

TGV Bruxelles midi- Marseille Saint- Charles, 16h09

On est en 2010. Je quitte le temps Bruxelles le temps des fêtes de Noël. Je quitte la Bruxelles colorée, la Bruxelles bigarrée, la Bruxelles mélangée. Après plus d‘une heure de retard, le train démarre enfin. Je sors mon livre, mais très vite, je dois le ranger. La liseuse de ma table clignote et me fait mal à la tête. J’écoute une conversation dans le carré derrière moi. Ça sent le parfum Guerlain et le carré Hermès. Dans la vitre, je ne distingue que des silhouettes. Un grand type, massif, chauve, avec un énorme manteau, son PC posé devant lui. Une femme d’un certain âge, un joli carré blond, une odeur de Guerlain. Ils font connaissance. L’homme est chercheur en physique et participait à un colloque à l’Université Libre de Bruxelles….

- Oh, donc vous êtes chercheur! Mais… le manque de moyens, je veux dire… ça va?
- Oui, oui, vous savez, aux Etats-Unis, nous avons pas mal de fonds pour la recherche…
- Mais, vous êtes originaires d’où, vous?
- Moi, je suis de Houston, au Texas.
- Au Texas? Non mais je veux dire, d’où venez-vous?
- Je vous l’ai dit, de Houston.
- Mais où originellement, où en Afrique…
- Non, je viens de Houston, j’y suis né.
- Mais vous avez certainement des ancêtres africains?
- Oui, je suis descendant d’esclaves…
- VOILA, c’est bien ce que je disais, vous êtes africain!

hop.



7.12.10

Chevaliers de la Table Ronde

Morceaux choisis d'un bijou de la radio: la Table Ronde, ou Trois hommes dans un salon, interview croisée de Brassens, Brel et Ferré.

(L'interview est en 4 parties)


Interview du 06/01/69 de Brassens, Brel et Ferré 1ère Partie
envoyé par Haddog. - Clip, interview et concert.






BRASSENS

« on a déclaré que j’étais poète, moi je fais des chansons. Je ne sais pas si je suis poète, il est possible que je le sois un petit peu, m’enfin, peu m’importe… »

Ferré « vous savez ce qu’on est tous les trois? » « des pauvres connards devant des micros. »

« on vendrait pas des sardines à l’huile si ça rapportait plus que de faire de la chanson. Si on était payés comme des fonctionnaires pour faire ce qu’on fait, on continuerait à le faire quand même. »

« Léo, je te signale que je m’en fous d’être enterré sur la plage de Sète ! Ca m’est complètement égal… J’ai fait ça pour m’amuser, quoi. Pour aller au bain de mer… »

« ne pas crier haro sur le baudet au moment où tout le monde crie haro sur le baudet, c’est une forme d’engagement comme une autre »


FERRÉ

« les gens qui sont honorés quand ils sont dits poètes sont des poètes du dimanche.»

« autrefois quand on aimait une chanson, on se la chantait, les gens se la passaient comme ça, maintenant c’est différent… le public est devenu plus… plus passif »

« nous sommes des hommes publics, et c’est ça qui nous gêne, par exemple moi, quand je croise dans la rue une femme… une femme qui vend aux hommes son corps… une putain quoi, et, si elle me reconnait, elle me fait jamais l’article. J’ai longtemps cherché pourquoi, et j’ai trouvé: c’est parce qu’on fait le même métier. Je fais le même métier. Je vends quelque chose de mon corps»


« qu’avez-vous fait de votre premier cachet? » « on l’a bouffé je crois… »

« Non ! Je ne suis pas, je ne peux pas être un militant. Je ne peux pas militer pour quelque idée que ce soit car je ne serais pas libre. Et je crois que Brassens et Brel sont comme moi, parce que l’anarchie est d’abord la négation de toute autorité, d’où qu’elle vienne. L’anarchie a d’abord fait peur aux gens, à la fin du XIXe siècle, parce qu’il y avait des bombes. Après ça les a fait rigoler. Ensuite, le mot anarchie a pris comme un goût mauvais dans la bouche des gens. »

"Ah oui ! Les seules choses valables se font dans la tristesse et la solitude. Je crois que l’art est une excroissance de la solitude. Les artistes sont seuls"

« quand l’amour s’en va, on fait semblant d’y croire encore et ça le fait durer un petit peu »



BREL


« le type qui me dit qu’il n’est pas seul dans la vie, c’est qu’il est plus belge que moi! »

« de toute façon, elles sont aussi artistes que nous, et nous sommes aussi putains qu’elles.»

"J’ai été dans un collège religieux, j’ai servi la messe. Pas huit ans, un an je crois, juste le temps d’acheter un vélo "



« et est que ce du côté de Dieu…. » « HAHAHAHAHAHAHAH » (les trois)

BO-BO-BONUS: un article bien sympa.

2.12.10

Pierre Carles- Attention danger travail



Témoignages

"C’est pas simple d’être dans une chaîne; c’est pas simple d’arriver à cinq heures moins le quart, puis de… de te dire « tiens, vite, faut que je fume une cigarette ». Je mets mon tablier, je prends mes outils, puis une dernière cigarette avant la sonnette. Puis à cinq heures moins le quart, la sonnette. Et c’est triste, c’est triste. Tu penses plus au travail que tu fais. Tu y penses, mais machinalement, c’est tout par réflexe; tu sais qu’il faut mettre une agrafe à gauche, une agrafe à droite. Tu engueules ton agrafeuse quand elle va mal, tu t’engueules toi-même, t’arrives à t’engueuler toi-même quand tu te blesses. Alors que c’est pas de ta faute, c’est de la faute des montages qui sont mal faits, mais c’est comme ça.
Devant nous, ya rien. Rien. La promotion? Non, faut pas y compter. Ce qui est dur en fait, c’est d’avoir un métier dans les mains. Moi je vois, je suis ajusteur. Pendant trois ans j’ai été premier à l’école, pendant mon CET. Qu’Est-ce que j’en ai fait? Rien. Au bout de cinq ans, je peux plus me servir de mes mains, j’ai mal aux mains. J’ai un doigt, le gros, j’ai du mal à le bouger.
J’ai du mal à toucher Dominique le soir, ça me fait mal aux mains. La gamine, quand je la change, je peux pas lui dégrafer ses boutons. T’as envie de pleurer dans ces moments là. (…) J’ai du mal à écrire, j’ai de plus en plus de mal à m’exprimer. Ça aussi, c’est la chaîne. T’as tellement de choses à dire que t’arrives plus à les dire. Les mots, ils arrivent tous ensemble dans la bouche. Et puis, tu bégayes, tu t’énerves. Tout t’énerve, tout. "

Alain Rachebault

"Puis, en 82, j'ai été licencié. Et là, j'ai commencé à entrevoir une multitude de choses. C'est comme être au bord d'un précipice, quelqu'un vous pousse dans le dos, et une fois dans le vide, on s'aperçoit qu'on peut voler. On commence à planer, et on se dit "c'est drôle, la prochaine fois je me jette tout seul!" "

P., viré de l'usine et enfin tranquille