6.9.10

John Fante- Ask the Dust


Et c'est déjà un crime de ne citer que ça...


"Assassin ou barman, barman ou écrivain, qu'importe : son sort était le sort de tous, sa fin ma fin ; et ce soir dans cette cité de fenêtres éteintes il s'en trouvait des millions comme lui et comme moi, aussi impossibles à différencier que des brins d'herbe mourante. C'était déjà assez dur comme ça de vivre, mais mourir c'était la tâche suprême."


"Je suis sorti faire un tour en ville. Bon Dieu, voilà que je remettais ça, traîner la savate dans les rues. Je regardais les gueules autour de moi, et je savais que la mienne était pareille. Des tronches vidées de leur sang, des mines pincées, soucieuses, paumées. Des tronches comme des fleurs arrachées de leurs racines et fourrées dans un joli vase ; les couleurs ne duraient pas bien longtemps."



"Là-dessus tu as sorti une bouteille de ton sac et on a bu ça ; ton tour d’abord, ensuite le mien. Quand il n’y a plus rien eu dans la bouteille je suis descendu en acheter une autre au drugstore, mais une grande cette fois. Toute la nuit on a bu et pleuré, et ivre je pouvais dire les choses qui bouillonnaient dans mon cœur, tous ces chouettes mots, toutes les fines comparaisons, parce que toi c’est sur l’autre mec que tu pleurais et tu n’entendais rien de ce que je racontais ; mais moi je les entendais, et je peux te dire qu’Arturo Bandini était plutôt bon cette nuit-là, parce qu’il parlait à son seul amour, et ce n’était ni à toi ni à Vera Rivken qu’il parlait, tu comprends, mais juste à son amour. Ah j’en ai dit des belles choses cette nuit-là, Camilla. A genoux à côté de toi sur le lit, je te tenais la main en disant : « Camilla, pauvre petite, perdue et tout ça ! Desserre tes doigts fins et rends-moi mon âme lasse ! Embrasse-moi sur la bouche que je me rassasie du pain d’une colline mexicaine. Souffle le parfum des cités perdues dans mes narines enfiévrées et laisse-moi mourir ici, la main sur la douceur de ta gorge, blanche comme une plage du sud à moitié oubliée. Viens puiser le désir dans ces yeux malades et jette-le aux moineaux solitaires dans quelques champs de maïs, parce que je t’aime, Camilla, et ton nom m’est sacré comme celui d’une princesse très brave se mourant d’amour avec le sourire, pour quelqu’un qui ne le lui rendrait jamais. "


"Je n’ai pas lu Lénine mais je l’ai entendu cité des tas de fois, la religion c’est l’opium du peuple. Et c’est bien ce que je me dis tout haut sur les marches de l’église : ouais, l’opium du peuple, parfaitement. Je suis athée, moi qui vous cause : j’ai lu l’Antéchrist, que je considère comme une œuvre capitale. Je crois au réexamen des valeurs, parfaitement, oui Monsieur. L’Eglise doit disparaître, c’est le refuge de la booboisie, c’est badernes et butors et compagnie, tous fumistes et bachibouzouks. "



"Peur de personne, d’aucun homme au monde, mais alors par exemple une peur bleue de traverser le Tunnel à pied, celui de la Troisième Rue. Claustrophobie. Et peur de l’altitude aussi, peur du sang et des tremblements de terre ; à part ça, plutôt brave, peur de rien sauf de la mort, sauf de la foule, de l’appendicite, des troubles cardiaques, oui, même de ça : tout le temps dans ma chambre, réveil en main, doigt sur la jugulaire, à me compter les battements de cœur, à épier les bruits suspects et sonder les gargouillis au fond de mon estomac. A part ça, comme j’ai dit, plutôt téméraire. "

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